Il y a deux moyens d'oublier les tracas de la vie : la musique et les chats | Kayena Donaghy

Un mois déjà que les adultes de plus de 25 ans ont disparu et toujours aucune nouvelle, aucun indice sur ce qui a pu arriver. Même les Back Home, l'une des bandes créées suite aux événements et obnubilée par la découverte de la vérité, n'avaient guère avancé dans leur enquête. Oui, le groupe n'était pas tellement fermé et surtout, tout le monde le sait, dans les villes les informations se diffusent vite. Balancez un ragot et le lendemain, tout le monde est déjà au courant ! En outre, Eleanor avait des connaissances au sein de la bande alors si besoin, elle savait vers qui se tourner pour obtenir des informations. Surtout que ses connaissances savaient pertinemment qu'Eleanor ne cherchait pas à se renseigner dans le but de les espionner, ce n'était absolument pas son genre, mais vraiment dans l'espoir d'en apprendre davantage et de pouvoir ramener ses parents à la maison.

À présent, les Wolves étaient plus ou moins bien organisés et ne manquaient de rien. La ville disposait encore de suffisamment de ressources pour tout le monde, même si certains individus ou certaines bandes semblaient en abuser et que la meute commençait à chercher à réguler les denrées, ce qui n'était pas au goût de tout le monde. Des tensions avaient alors éclaté ces derniers jours entre des personnes solitaires ou appartenant à l'une des bandes. Mais Eleanor ne s'en souciait pas pour le moment. Comme à son habitude. Cela pouvait être positif dans le sens où elle tenait bon face un long moment face à des obstacles conséquents, mais à l'inverse, ces obstacles pouvaient justement devenir beaucoup plus compliqués à franchir en les laissant traîner plutôt qu'en s'en souciant immédiatement. Non pas qu'elle s'en moquait, si l'un des leaders venait à la trouver pour réfléchir à cette question, bien entendu qu'elle s'y pencherait avec le plus grand des sérieux, mais son optimisme légendaire l'incitait à se dire que des tensions, il y en avait toujours eu et il y en aurait toujours, et que chacun était suffisamment grand pour gérer les choses dans le calme. Un peu naïve, sans doute. Beaucoup même. Elle savait pourtant que tôt ou tard, il n'y aurait plus rien à se mettre sous la dent. Surtout qu'il n'était pas question que d'enfants, d'adolescents ou d'adultes. Il y avait aussi des bébés, qui avaient des besoins spécifiques. Que feraient-ils à ce moment-là ? Il faudrait probablement se tourner vers l'extérieur, à savoir Maytown, la ville la plus proche. Mais sans véhicule, cela s'avèrerait compliqué et le petit voyage nécessiterait une certaine préparation.

Laissant cette idée dans un coin de sa tête, Eleanor entra dans la mairie. Cette après-midi, elle avait eu quartier libre et en avait profité pour faire une balade avec son cheval Phoenix et ses deux chiens, Atlas et Samba. Il n'y avait rien de mieux pour se requinquer. S'occuper de ses animaux était sans aucun doute son passe-temps favori et ils le lui rendaient bien.

Loin d'être fatiguée en ce début de soirée, elle se mit à chercher son petit frère en sautillant. Elle ne tarda pas à le trouver. Il avait passé l'après-midi à jouer à des jeux de société avec des amis.

« Alors, t'as gagné ? » lui demanda-t-elle avec un large sourire.

« Évidemment, quelle question ! » répondit le jeune garçon avec fierté.

La blonde se mit à rire, puis enchaîna avec euphorie :

« Ça te dit de lancer la musique à fond et qu'on casse la baraque ? »

« Oh yeah ! Vas-y Ellie ! »

Il n'avait pas fallu longtemps à Eleanor pour s'approprier entièrement les lieux. Elle qui adorait écouter de la musique et danser avait eu l'idée d'installer des haut-parleurs dans le hall d'entrée de la structure pour en faire une piste de danse improvisée. Si cela en avait gêné certains, d'autres s'en étaient beaucoup amusés, notamment les plus jeunes, et cela avait permis de détendre l'atmosphère, de calmer les angoisses, de diminuer les cris et les pleurs. Alors finalement, la plupart des Wolves avaient adopté cette activité.

Eleanor alluma l'ordinateur qu'elle utilisait pour lancer des playlists et en sélectionna une. La première chanson, « Whenever, Wherever », commença à résonner entre les murs de la mairie. La prochaine serait la chanson sur laquelle on danse le « Madison ». Eleanor écoutait vraiment de tout, sans distinction. Comme ça, il y en avait pour tous les goûts ! Elle entraîna son petit frère sur la « piste de danse » et très vite, plusieurs autres jeunes les rejoignirent et se mirent à danser au rythme de la musique !

La musique se diffusait au sein de la mairie. Elle n'était pas forte au point de faire trembler les murs, mais suffisamment pour insuffler une ambiance digne d'une fête malgré les circonstances difficiles. Eleanor était parvenue à amener sur la piste de danse improvisée une vingtaine d'autres jeunes, pour la plupart moins âgés qu'elle. Elle savait que d'autres les rejoindraient ensuite, au cours de la soirée. Celle-ci pouvait durer une heure comme cinq, rien était décidé à l'avance, Eleanor laissait les choses suivre son cours. Tant que cela ne gênait personne, il n'y avait pas de raison de s'arrêter !

Alors qu'elle dansait, toute son énergie émanant d'elle, elle vit qu'une demoiselle, plus jeune qu'elle visiblement, s'avançait dans sa direction. Cette dernière la salua et la remercia pour la musique. En voilà une de plus qui était convaincue ! L'adolescente tenait une guitare dans sa main. La bras-droit ne put réprimer un large sourire.

« Salut ! Merci à toi de nous rejoindre sur la piste de danse ! » s'exclama-t-elle d'une voix forte pour se faire entendre malgré la musique, virevoltant au rythme du son. « Tu sais jouer de la guitare ? Génial ! Tu vas pouvoir mettre encore plus d'ambiance ! Youhouuuu ! »

Elle se mit à secouer sa tête dans tous les sens pour inciter tout le monde à se lâcher. Son petit frère et quelques autres jeunes se mirent à rire et à l'imiter, d'autres restèrent sur la réserve, et quelques-uns encore semblaient trouver la scène ridicule. Mais le regard des autres, Eleanor ne s'en préoccupait jamais, ou presque. De toute façon l'être humain était doté de cette capacité à critiquer tout et son contraire, alors à quoi bon tenir compte de ces remarques si elles n'avaient que pour but de juger ? Eleanor était bien loin de tout cela. Alors en cet instant, elle n'en avait que faire de passer pour une personne étrange.

« Vas-y ! Lances-toi » rit-elle à l'attention de la jeune qui l'avait interpellée. « Tu vas faire un carton ! »

Elle ne se rappelait pas l'avoir déjà vue, mais au moins cette soirée serait le moment de faire connaissance, plus tard, lorsque la musique serait moins forte. Elle avait surtout hâte de l'entendre jouer et elle ne semblait pas être la seule. Après cela, elle ne pourrait pas l'oublier, qu'elle joue en bien ou en mal d'ailleurs. Quand bien même elle jouait mal, ce qu'Eleanor n'imaginait pas un seul instant, elle tournerait les choses de façon positive. L'ambiance n'en serait pas moins festive, elle en serait simplement différente. Comme dans la fameuse scène de Retour vers le Futur, dans laquelle Marty McFly joue un morceau auquel la génération devant lui n'était pas habituée... Eh bien là, ce serait pareil, tout simplement !