If i do all of this, it's not for me it's for you feat Jéremiah Blackstone

Cela faisait déjà un jour que les habitants de plus de 25 ans avaient disparu. Un jour, c'était court, et pourtant, la journée de la veille avait semblé longue. Jérémiah s'était rendu au rassemblement, avait écouté toutes les conneries que les gens balançaient autour de lui et, las, avait décidé de rentrer chez lui comme si finalement il n'était que question de problème politique au sein de Spirit River et que rien de tout cela n'était arrivé. Une part de lui avait espéré retrouver sa mère en rentrant, même complètement saoule. Oui, vraiment, il voulait garder espoir. Pourtant, plus il s'approchait de son domicile, plus la tension s'était emparée de lui. Il avait retenu son souffle en insérant les clés dans la serrure et était resté sur le pas de la porte quelques secondes. En pénétrant dans son appartement, il sut immédiatement qu'il était seul. Que ce n'était pas un rêve, ou plutôt un cauchemar. Que sa mère avait elle aussi disparu. Mais où ? Si la réponse à cette question était connue par ne serait-ce qu'un des jeunes présents à cette assemblée, celle-ci aurait perdu une grande partie de son sens. Elle n'en avait déjà eu aucun du point de vue Jérémiah. Cela n'avait été qu'un mélange amer de panique, de colère, mais aussi d'euphorie de la part de certains individus. Il n'avait plus supporté ce qu'il avait entendu. Tant le débit de conneries que les réactions absolument inappropriées de certains. Comment pouvait-on se réjouir d'une telle situation ? Il pouvait le comprendre, dans certains cas, pour ceux ayant une histoire similaire à la sienne, à savoir un parent violent. Mais pour les autres... Cela n'inaugurait rien de bon pour l'avenir. Il était persuadé que d'ici peu, des débordements allaient secouer Spirit River. Que les séries à l'ambiance sombre et au contexte post-apocalyptique qu'il appréciait regarder deviendraient réelles et qu'il en serait lui-même acteur, contre son gré.

La tête emprisonnée par des pensées plus dramatiques les unes que les autres, il s'était allongé sur le canapé jusqu'au lendemain. La faim ne s'était même pas fait ressentir. Il avait vu les heures défiler, tandis que ses pensées ne le quittaient pas. Il ne remarqua même pas à quel moment le soleil avait fini par pointer le bout de son nez. À un moment, il se décida à se lever. Il ne sut quelle heure il était et ne s'en soucia même pas. Il n'y avait plus aucun intérêt à se fier à une quelconque heure à présent. Il prit une douche pour se vider la tête, en vain. Il tourna littéralement en rond dans son appartement, pendant un certain temps. Excédé, il donna soudainement un coup de poing dans l'un des murs. Si la veille il avait été las et si ses pensées n'avaient cessé de tourner en boucle, c'était comme si son esprit encaissait à peine la nouvelle. Ou alors il comprenait que même en retournant le problème dans tous les sens, il ne pouvait rien faire pour y remédier. Il pouvait enquêter sur ce qui avait pu se passer, et c'est très probablement ce qu'il ferait, même s'il n'en avait aucune envie. Il voulait simplement retrouver sa mère et clairement, c'était très égoïste et il le savait, mais si elle avait été la seule habitante à ne pas avoir disparu, il n'en aurait rien eu à faire de ces événements. Bon, c'était peut-être un peu exagéré. Il n'aurait pas été indifférent au sort de tous ces autres jeunes, mais cela ne l'aurait jamais autant atteint.

Il décida de prendre en l'air, sans même savoir où se rendre, ni quoi faire. Il n'avait envie de rien, si ce n'était de crier sa rage dans toute la ville. Il n'y avait même plus rien à faire, on pouvait le dire. Commencer à stocker des provisions ? Oui peut-être, mais c'était se prendre une nouvelle claque dans la gueule, ce serait un nouveau rappel à la situation. Puis l'avenir de son estomac était loin de le préoccuper.
En sortant de son immeuble, une bouffée d'air frais le frappa au visage. Pourtant, il ne l'a sentit même. Il commença à marcher, paradoxalement d'un pas sûr alors qu'il n'avait absolument aucun but. Focalisé sur le chemin qui se dressait devant lui, il ne remarqua même pas qu'une personne se dirigeait vers lui, jusqu'à ce que celle-ci l'interpelle.

« Hey. Hey ! Excuses-moi ? Je peux avoir un peu de ton temps ? C'est juste pour - »

L'intéressé se retourna vers le malvenu. Oui, on pouvait le dire, au vu de l'humeur de Jérémiah, ce n'était vraiment pas le moment de venir l'importuner.

« Jéremiah ? Jéremiah Blackstone ? »

Ce dernier reconnut immédiatement le fils du shérif, qu'il avait pu apercevoir la veille, au devant de la scène au rassemblement. Si cette grande réunion l'avait particulièrement agacé, il devait admettre que le fils du shérif avait fait de son mieux pour contenir la foule. Et quelle foule ! Mais il n'était pas d'humeur, alors il ne répondit pas à son salut. Que lui voulait-il donc ? À sa démarche, on aurait dit ces jeunes qui se déplacent en groupe et qui vous interpellent pour vous parler de ces pauvres gens qui meurent de faim ou qui dorment dehors, dans l'espoir que vous fassiez un doute. Oui, vous voyez ? Ceux que vous cherchez à tout prix à esquiver. Et c'est exactement ce que Jérémiah avait envie de faire en cet instant.

« Je suis content de te voir. Je ne t'ai pas vu lors du rassemblement, mais j'imagine que tu dois être au courant de tout ce qu'il s'est passé depuis hier. » poursuivit le jeune homme, en lui offrant un large sourire.

Même s'il voulait probablement se montrer amical, ce sourire était tout aussi inopportun que sa présence aux yeux de Jérémiah, compte tenu des événements. Il fut très surpris d'ailleurs qu'il dise « je suis content de te voir », comme s'ils étaient amis. Or, ils ne se connaissaient pas. Ils avaient brièvement discuté au cinéma et Jérémiah devait admettre que Will lui avait laissé bonne impression, mais rien de plus.

« Tu… Ça va ? Tu le prends bien ? » demanda le jeune homme.

Presque immédiatement, Jérémiah serra les dents. Comment pouvait-il bien prendre que sa mère, déjà fragile, ait disparu ? Sans compter qu'il n'avait aucun indice sur sa localisation.

« Ouais, c'est le pied, comme l'ont dit certains hier. » répondit-il avec sarcasme.

Sans le dire explicitement, il venait de confirmer sa présence au rassemblement de la veille.
Il n'avait absolument aucune envie de s'éterniser là, de faire du surplace, et encore moins de parler. Mais il n'avait jamais eu de souci avec Will et celui-ci faisait visiblement l'effort de prendre la température auprès des autres, alors sans en être reconnaissant pour autant, il pouvait au moins lui rendre la pareille.

« Et toi, tu le vis comment ? »

Son ton avait été dénué d'émotion, mais il avait fait en sorte de ne pas se montrer trop froid non plus. Après tout, comme dit précédemment, l'heure et le temps n'avaient plus vraiment d'importance... Il fallait juste que le rouquin l'applique à la situation présente. Ce qui n'était pas près d'arriver.